Je rencontre parfois l’acquéreur
de mon ancien matériel photographique. Il ignore bien sûr
que je suis l’ex-propriétaire de tous ces ustensiles. Il
semble un peu perdu, en quête du motif peut-être, affolé,
désorienté, comme un chien de chasse suivant une piste
qui n’est que feintes et ruses. Moi, avant le seau. |
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Le seau n’a que sa peau, et
les eaux des autres. Si je commence avec les jeux de mots je n’en
finirai pas, et puisque j’ai commencé, mieux vaut s’arrêter
là. |
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On regardera les seaux et l’on
pourra dire alors, que... Et l’on se taira. |
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Les seaux n’expliquent rien,
je n’explique pas les seaux. |
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Entre le seau de plastique et celui
de fer-blanc galvanisé ou non, ma préférence va
au second, instinctivement. Le premier me fait l’effet que produirait
dans un journal la publication de l’identité véritable
de Godot. |
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S’ils cohabitent encore ensemble,
la communion entre l’homme et l’animal n’est plus
ce qu’elle avait pu avoir été. Ainsi diagnostiqua-t-on
un Kérion de Celse, ou de la barbe, chez un chiffonnier ayant
l’habitude d’utiliser pour sa toilette l’eau contenue
dans le seau de son cheval, affecté de trichophytie
équine. |
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Theodor Eimer. Et puis les
autres. |
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L’expression ”To kick
the bucket” est employée pour signifier : mourir. Taper
dans le seau, ou shooter dans le seau... Passer l’arme à
gauche et puis taper dans le seau, ou tirer dans le seau... ou simplement
le descendre, le laisser descendre, ou mieux encore, le remonter à
la force des bras pour le vider, au cas où il contiendrait quoi
que ce soit – une vie? Ils remplissent un seau de glaçon ou d’eau glacée, se plantent, qui devant une caméra vidéo, qui devant son portable, qui devant sa webcam, dans une salle de bain, ou dans un champ, sur une place ou dans un jardin, maintiennent le seau à bout de bras au-dessus de leur tête et s’aspergent du contenu. Dans certains cas, une seconde personne est chargée de vider le seau. |
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C’est en plongeant la tête
dans un seau que l’on saisit le ridicule de la politique autruchienne.
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Désignant mes photos de seaux,
il disait qu’elles lui rappelaient des tours. Je bâtissais
une ville en somme. Il avait étudié architecture, il devait
s’y connaître. Et puis il rajouta que plus que des tours,
les seaux le faisaient penser à des pyramides, mais inversées.
Les gens ont de l’imagination. Les aurait-il comparés à
des cathédrales, au mur de l’Atlantique ou à la
gare de Luçay-le-Mâle que cela ne m’aurait pas gêné
plus que cela. |
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Les seaux ne jouent pas. Je ne joue
pas aux seaux lorsque je les photographie. Je suis les seaux.
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Les va-et-vient du monde, leur clapotis,
leur souffle et cendres se retrouvent un moment dans les seaux peut-être,
jusqu’au déclenchement de la photo. Ils ne contiennent ensuite
plus rien. Ils sont aussi vides que l’horizon maritime enfin atteint,
ou alors, ne contiennent que du temps, où mijotent les va-et-vient
du monde. Le temps des seaux, le temps des tours. Le temps c’est
moi, les photographiant. Cela formera peut-être un jour, comme disait
mon ami, une ville. Une ville de tours vides.
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La langue française est aussi
magique que difficile. Vous prononcez le mot ”seau”, qui
peut tout aussi bien être ”saut”, ou ”sceau”
ou encore ”sot”, ce dernier étant celui qui se trouvait
dans l’incapacité à distinguer qui était
quoi. Vouloir effectuer un saut dans le seau est le sceau du sot,
nous répétait l’institutrice, axiome qui nous semblait
bien confus et nous éloignait de la clarté si vantée
de notre langue. Pour pallier à cette obscurité, bien
relative selon elle, l’institutrice maniait une règle de
buis dont le contact avec l’épiderme de nos doigts provoquait
une douleur courte mais intense, d’une efficacité exemplaire
dans la plupart des cas. La clarté de la langue apparaissait
alors : la rigueur de l’orthographe s’avérait de
loin beaucoup moins douloureuse que celle du bois. |
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Je rencontrai un jour un homme à
qui l’on avait fait subir autrefois la torture de la goutte d’eau.
L’ayant lié, assis en tailleur, à un tronc de sapotilliers,
ses gardes fixèrent au-dessus de sa tête au préalablement
rasée, un seau rempli d’eau, après en avoir percé
le fond. Puis... Je raconterai cela plus tard, ailleurs... |
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[Extraits du journal de Marcel Crépon]
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“À
la Toussaint, les morts de l’année,
précédés d’enfants de chœur agitant
des clochettes, font trois fois le tour du cimetière en chantant
la messe des morts. Le dernier décédé porte un
seau renfermant les larmes versées dans l’année
en mémoire des défunts.” “Décor
de théâtre. N’est pas de la peinture : il suffit
de jeter à vrac sur la toile un seau de couleurs ; puis on l’étend
avec un balai ; et l’éloignement avec la lumière
font l’illusion.” “...
vous connaissez Epictète? “Le
perruquier entre. Il jette un coup-d’œil sur ma perruque,
et refuse net d’y toucher. C’étoit une chose au-dessus
ou au-dessous de son art. Mais, comment donc faire ? lui dis-je…
Monsieur, il faut en prendre une de ma façon… j’en
ai de toutes prêtes. |
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