La première fois il avait rajouté une boîte de conserve pleine aux détritus habituels, sans trop penser à ce qu’il faisait. Le vide-ordure se trouvait dans un renfoncement, à chaque étage, au bout de chaque coursive. Pour lui, à droite de son appartement ; à gauche, sous la fenêtre de la cuisine, un placard aux portes métalliques où il entassait des vieilles chaussures, des sacs d’oignons, de pommes de terre. L’employé de l’électricité y relevait aussi le compteur. Il était sorti, son petit sac en main, s’arrêta, regarda devant lui ; quatre étage plus bas s’alignaient des ateliers dont il n’avait jamais connu la raison d‘être. Il avait de toute de façon toujours préféré le côté balcon qui donnait plein sud, sur le cimetière. Il vivait à l’ombre des tombes, répondait-il à qui lui demandait où il habitait – ce qui arrivait de moins en moins; plus on vieillit plus le sac de vos ordures diminue et moins les gens vous demandent où vous logez, parce qu’ils le savent, ou bien, s’en moquent – bien que le contraire soit vrai, c’est-à-dire que lui, ou plutôt son immeuble, en faisait de l’ombre, aux tombes. L’une d’elles sortait du lot. Elle était recouverte d’un cube de verre (ou plexiglass?). Les fleurs y fânaient rarement, cela avait un joli petit air de serre au milieu du granit et du marbre. L’enfant d’un forain reposait là. Il y avait des voix dans le quartier, pour se demander avec quel argent ils avaient payé ça. Lui ne avaient jamais entendues ces voix, mais il savait que cette question était souvent formulée, à chaque changement – qui devait s’effectuer de nuit car jamais il ne put y assister, ce qui rajoutait au mystère de cette tombe – de bouquets pour ainsi dire. La seconde fois, en plus d’une boîte de conserve, il avait mis une figurine dans le sac. „Ça c’est une Vénus, monsieur, une vénus napoléonienne“, avait dit le vendeur, aux puces, „Vous voyez la pomme, là?“ Il voyait. „Et si elle avait tenu une poire, qu’on eut pu prendre pour une ampoule, c’eut été la fée électricité?“ – „Moi c’que j’en dis, c’est vous qui voyez...“ A son retour il l’avait posée sur le buffet. Louise avait sourit. „Ce doit être drôle, agréable mais drôle, de rester allongée à longueur de journée et rêvasser.“ – „Oui, mais alors tu ferais aussi seins nus hein?!“ – „Que tu es bêtes...“ avait-elle rougit en souriant. Puis elle avait passé les trente années suivantes allongée, sans sourire, en palissant, dans le coma. Maintenant, à chaque fois qu’il se rendait au vide-ordures un ou deux objets s’ajoutaient aux siennes. Il tenta de calculer combien de temps cela lui prendrait pour vider l’appartement de tout ce qui pouvait passer dans le tube, s’arrêta en cours d’opération, le résultat importait peu à vrai dire.