La cité se composait de quatre
bâtiments plantés dans un espace aussi tiré au carré
qu’on y tournait en rond. Les relations entre les habitants y
suivaient des règles précises, établies par les
habitants eux-mêmes selon les opinions qu’ils avaient les
uns des autres, affichées nulle part, présentes partout.
Ainsi, les habitants du bâtiment A ne fréquentaient
jamais ceux du C, qui, s’ils pouvaient à
l’occasion parler à ceux du B, les méprisaient
pour cela même, n’ayant pas plus de contact avec ceux du
bâtiment D que du A. Les relations
entre les habitants du bâtiment A et ceux du
D pouvaient être qualifiées de respectueuses,
en ce sens qu’aucun locataire du bâtiment A,
par exemple, n’allait déverser ses ordures devant le bâtiment
D et vice-versa ; les deux parties ne se gênant
pas pour le faire devant les autres bâtiments. Les locataires
du bâtiment B, mal vus par ceux des trois autres,
n’utilisaient que la benne marquée de leur sigle Bat.
B, ceux du C ne se gênant pas pour répandrent
leur détritus devant les trois autres bâtiments, en espérant
que ceux du A et du D les considèreraient
comme venant du B, ce qui étaient d’ailleurs
le cas, pour la bonne raison qu’ils (les habitants du Bat.
C) y mêlaient des indices ne laissant aucun doute quant
à leur origine. Le but visé par ces agissements était
bien évidemment de gagner quelque considération de la
part des locataires des bâtiments A et D,
qui sans aller directement jusqu’au respect pouvait y mener. Cette
politique échoua. Un locataire du bâtiment A
trouva une lettre anonyme dans un carton provenant indiscutablement
du bâtiment B. L'auteur y menaçait un
locataire de ce même bâtiment de révéler à
son épouse qu’il (le destinataire) se rendait régulièrement
dans les caves du bâtiment C où une adolescente
y habitant montrait ses seins pour quelques pièces, qu’elle
empochait rapidement, pour ensuite relever son pull et le rabaisser
aussitôt, révélation que lui (l’auteur) se
garderait de faire en échange d’une compensasion monétaire,
versable en liquide à tel endroit. Le scandale éclata,
qui conforta les habitants des bâtiments A et
D dans l’opinion qu’ils avaient sur ceux
du C. Le fait qu'un soir où il était
ivre un locataire du bâtiment B se vanta du bon
tour joué aux sauvages du bâtiment C n'y
changea rien. |