Des jours des colonnes des chiffres des nombres, du bon sens. Une floraison d’arbre dont les branches sans cesse se ramifient dans un infini de circonstance, qu’est-ce qu’un infini de circonstance? Et s’il n’est pas, que serait-ce qu’un infini de circonstance s’il était? Nous ne le savons pas, vraiment pas. Peut-être un infini que nous inventerions lorsqu’aux prises avec le présent, nous débattant dans l’ornière du présent, y suffoquant, s’y enfonçant irrémédiablement, nous cherchons de quoi nous accrocher : une touffe d’herbe, une branche, un bâton. Et peut-être alors aspirons à un infini, peut-être nous l’inventons nous en désespoir de cause, ce serait alors cela, justement, cet infini de circonstance, dans lequel nous préfèrerions nous perdre plutôt que de disparaître dans cette ornière, ce nid de poule, dont le fond se dérobe sous nos pieds, finissant, à son tour, par devenir un infini qui s’ajouterait à celui d’avant et celui d’après pour être donc l’infini du présent dans lequel nous perdons pieds, dans lequel nous nous noyons, rendant par là les deux autres superflus puisque nous en avons un là, à portée de la main, comme la touffe d’herbe, la branche ou le bâton, que nous ne parvenons pas à atteindre, dans lequel oui nous nous enlisons et qui en même temps se refuse à nous, nous amenant, à bout de force, dans un réflex de panique, à souhaiter cet infini de circonstance – tout, plutôt que tout, ou quelque chose dans le genre. Souhait, demande, supplication même, exprimée en vain d’un infini à l’autre. Il serait à parier que notre voix ne porte pas, qu’elle ne soit qu’un murmure, souffle succint vite étouffé, vite emporté – nulle part, vers où nous tendons. Nulle part qui pourrait être aussi cette montagne qu’il nous faut chaque jour descendre, plus bas, toujours plus bas, chaque bas étant un sommet qu’il s’agit de quitter au plus vite tant la raréfaction de l’oxygène y rend toute station prolongée impossible. Nous y restons cependant, ou plutôt nous nous y retrouvons sans cesse, y comptons les jours, remplissons des colonnes de chiffres, de nombres, nous donnant l’illusion d’un bon sens d’une floraison d’arbre dont les branches sans cesse se ramifient pour atteindre à un infini de circonstance ou un infini circonstancié qu’il serait nécessaire de définir. Qu’est-ce en effet qu’un infini de circonstance, ou circonstancié? Et s’il n’est pas, en absence de toute définition, que serait-il s’il était? Nous l‘ignorons. Serait-ce un infini que nous inventerions (comment? d’après quel postulat, à partir de quelle base, quelle proposition, quel étant donné, quel un infini est dit de circonstance, ou circonstancié, si et seulement si, quel la longueur d’un infini de circonstance, ou circonstancié, est égal à la somme des carrés des deux autres – quoi? infinis?)? Un infini que nous inventons bel et bien, lorsqu’aux prises avec le présent nous nous débatons non, lorsqu’aux prises avec le temps nous nous débatons dans le présent, dans l’ornière du présent, y suffoquant, nous y engluant, irrémédiablement, méthodiquement, avec une rapidité augmentant au fur et et à mesure que nous nous enfonçons. Pour tenter de renverser le mouvement nous cherchons des yeux (ou tâtonnons autour de nous), une touffe d’herbe, une branche, un bâton (tendu par qui?). Et peut-être aspirons-nous alors, du fait de leur absence, à un infini, inventé, donc, par désespoir de cause. Ce serait là, justement, cet infini de circonstance, ou circonstancié, circonstantiel tant qu’à faire, dans lequel nous préfèrerions nous perdre plutôt que de disparaître dans cette ornière, ce nid de poule un peu ridicule dont le fond se dérobe néanmoins sous nos pieds, acquérant par là quelque grandeur, finissant par devenir à son tour un infini qui vient s’ajouter à ceux que la tradition nomme : celui d’avant et celui d’après. Qui devient donc, ou pourrait s’appeler l’infini du présent, dans lequel nous perdons pieds, dans lequel nous nous noyons, rendant les autres superflus puisque nous avons désormais notre infini à portée de la main, cette touffe d’herbe, cette branche ou ce bâton que nous ne parvenons à atteindre pour la bonne raison qu’ils sont absents. Infini où nous pataugeons donc avec une difficulté croissante, et qui en même temps se refuse à nous, nous amenant, déjà à bout de force, dans un réflexe paniqué, à souhaiter profondément cet infini de circonstance, ou circonstancié, ou circonstantiel, tout plutôt que tout ou quelque chose dans le genre. Souhait, demande, désir, supplication même, exprimée en vain d’un infini à l’autre. Il est à parier que la voix ne porte pas suffisament, qu’elle ne soit vite qu’un murmure vague, qu’un souffle succint, qu’une exhalation ultime vite étouffée, emportée – nulle part, où nous nous tenons déjà, que ne souhaitons atteindre pourtant, oubliant souvent que nous en venons. Un nulle part qu’en fait nous n’avons jamais quitté et qui pourrait être cette montagne qu’il nous faut descendre chaque jour, plus bas, encore plus bas, toujours plus bas, chaque bas étant un sommet qu’il s’agit de quitter au plus vite tant la raréfaction de l’oxygène y rend tout séjour impossible. Somme de sommets qui seraient l’existence, et sur la cime desquels nous restons ou plutôt sur lesquels nous nous retrouvons sans cesse, pour y compter, y décompter, y comparer les jours, pour y remplir des colonnes de chiffres, de nombres, nous donnant l’illusion d’un bon sens. Il a bon dos le sens, lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche et rebelote des jours. janvier, février, mars, avril, mai, juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre, décembre, et rebelote des ans. Succession de wagons à l’aise sur les rails, et les horaires de départs, les horaires d’arrivées inscrits en colonnes, des chiffres, des nombres, propres sur eux convainquants, bon sens donc ou pour donner dans le métaphorique : floraison de bon sens, arbre dont les branches semblables à un réseau routier, fluvial, électronique, se ramifient dans le temps dans l’espace, dans un infini de circonstance (encore faudrait-il déterminer le cadre séparant la situation de l’écoulement général pour lui donner le statut de Situation, La Situation, et par là savoir si cet infini est de circonstance à part entière et non un pis aller mal agencé, bricolé à la bonne franquette et n’ayant aucun rapport direct, et par là aucune influence sur la situation, serait même parfaitement incompatbile avec elle. Aussi serait-il nécessaire de poser la question : qu’est-ce qu’un infini de circonstance? Et s’il n’est pas, que serait un infini de circonstance en général et un infini de circonstance dans le cas particulier qui nous occupe, s’il était? Nous ne le savons pas, vraiment pas. Nous n’en avons pas la moindre idée. Nous l’ignorons. Peut-être serait-ce un infini que nous inventerions, lorsqu’aux prises avec le présent, nous débattant dans l’ornière du présent, y suffoquant, nous y épuisant, nous y enfonçant irrémédiablement, nous cherchons de quoi nous raccrocher : une touffe d’herbe, une branche, un bâton, une bouée providentielle. Et peut-être aspirons-nous alors à un infini, peut-être nous l’inventons nous en désespoir de cause, imaginant peut-être qu’en nous y perdant La Situation serait moins périlleuse? Ce serait, justement, cet infini de circonstance, dans lequel nous préfèrerions nous dissoudre plutôt que de disparaître dans cette ornière peu glorieuse, ce nid de poule ridicule, dont le fond se dérobe indubitablement sous nos pieds, finissant à son tour par devenir un infini qui s’ajouterait ou plutôt se glisserait, s’insèrerait entre celui d’avant et celui d’après, pour être donc l’infini du présent, dans lequel nous perdons pieds, dans lequel nous nous noyons, rendant par là les deux autres caduques (sic!), en tout cas superflus, puique nous en avons un là, à portée de la main, aussi proche que la touffe d’herbe, la branche ou le bâton, que nous ne parvenons pas à atteindre malgré nos efforts, dans lequel nous pataugeons avec une difficulté croissante et qui en même temps se refuse à nous, nous amenant, nous obligeant, à bout de forces, dans un réflexe de panique, à souhaiter cet infini de circonstance – tout plutôt que tout, ou quelque plaisanterie dans le genre. Souhait justifié à nos yeux, demande impérative exacerbée en une supplication exprimée en vain d’un infini à l’autre ou vers un infini qui renverrait l’écho à l’autre et vice-versa. En vain car il est à parier que notre voix ne porte pas, qu’elle ne soit qu’un vague murmure vite résorbé, un souffle succint rapidement étouffé, un ahanement vite emporté nulle part par un courant d’air, nulle part vers lequel nous courrons d’ailleurs, nulle part qui serait peut-être cette montagne qu’il nous faut chaque jour descendre car quoi que nous pensions c’est un socle bien trop large et élevé pour nos semelles et l’équilibre nous fait défaut qui nous aiderait à nous y maintenir sans paraître ni présomptueux, ni dérisoirs. Montagne qu’il nous faut chaque jour descendre avec une modestie libre de servilité, volontaire, descendre plus bas, encore plus bas, toujours plus bas, tranquillement, conscients que chaque bas est un nouveau sommet qu’il s’agit de quitter au plus vite tant la raréfaction de l’oxygène (nous nous manquons cependant pas d’air puisque nous y posons le pied, ô paradoxe!) y rend toute station prolongée impossible. Nous nous y attardons cependant, pour jouir, soi-disant, d’un panorama que nous ne comprenons pas. Nous nous y retrouvons sans cesse, comme si cela allait de soi, prétextant quelque tache qu’il nous y faut accomplir : compter les jours, les semaines, les mois, les années pourquoi pas les siècles, les années, les mois, les semaines, les jours, lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche, samedi, vendredi, jeudi, mercredi, mardi, lundi, les heures, les minutes, les secondes, pour y remplir avec application des colonnes de chiffres, de nombres, poussant à l’extrême cette manie comptable qui nous fournit un appui, un réconfort que nous aimerions objectif, scientifique, et qui serait comme l’expression même du bon sens bien que très vite l’ensemble devienne aussi confus que la floraison d’un arbre fruitier dont les branches sans cesse se ramifient pour atteindre à un infini de circonstance ou à un infini circonstancié (ce n’est pas, certe, la même chose, aussi nous faudra-t-il en répertorier les détails pour le cerner, lui aussi, de façon appropriée). Qu’est-ce en effet qu’un infini de circonstance, qu’est-ce qu’un infini circonstancié? Et si ni l’un ni l’autre ne sont – en absence de toute définition fiable –, que seraient-ils s’ils étaient? Nous ne le savons toujours pas, vraiment pas. Nous n’en avons pas la moindre idée, ni même l’intuition. Nous l’ignorons à un point que cela fait mal, la capacité de l’imaginer nous fait aussi défaut. Un infini que l’on inventerait ad hoc (comment? d’après quel postulat? sur quelle base? s‘inspirant de quelle théorie? à partir de quelle hypothèse, proposition, supposition? selon quel étant donné? en application de quel un infini est dit de circonstance, ou dit circonstancié si et seulement si? en conséquence de quel la longueur d’un inifini dit de circonstance, ou dit circonstancié est égale à la somme des deux autres – quoi? infinis? à la somme de tous les autres infinis?), un infini que nous inventerions par jeu, pour pouvoir répondre à la question : qu’est-ce qu’un homme dans l’infini qu’il s’invente? Mais que nous inventerions d’abord, lorsque, aux prises avec le temps, nous nous débatons avec une énergie non renouvelable dans le présent, dans l’ornière du présent, ou nid de poule, si cela se trouve il ne s’agit que d’une vulgaire flaque comme il en existe des millions, lorsque nous y suffoquerions, lorsque nous nous y enfoncerions inéluctablement, irrémédiablement, méthodiquement aussi, avec une rapidité augmentant au fur et à mesure que nous nous enfonçons, ainsi les corps célestes s’éloignant d’autant plus vite qu’ils sont distants les uns des autres. Pour tenter de renverser le mouvement nous cherchons des yeux ou tâtonnons fébrilement autour de nous dans l’espoir d’avoir une touffe d’herbe à saisir, une branche, une racine, un bâton (tendu par qui?) et peut-être aspirons-nous alors, du fait de leur absence indéniable, à un infini, inventé, donc, en désespoir de cause. Ce serait là (rien ne s’y oppose), cet infini de circonstance, circonstantiel plutôt que circonstancié, dans lequel nous préfèrerions nous perdre plutôt que de disparaître dans cette ornière, ce nid de poule, cette flaque ridicule, dont le fond se dérobe bel et bien sous nos pieds, acquérant quelque grandeur par le fait de pouvoir nous engloutir, finissant même, par devenir à son tour, un infini qui vient s’ajouter, qui vient complèter ceux que la tradition nomme : celui d’avant et celui d’après, qui devient donc l’infini du présent, et dans lequel nous perdons pieds, dans lequel nous nous noyons aussi bien que dans n’importe quels autres, les rendant caduques, superflux, les éléminant même puisque nous avons notre infini à portée de la main, cette touffe d’herbe, cette branche, cette racine, un câble électrique, un bout de fil de barbelé feraient tout aussi bien l’affaire – que nous ne parvenons à atteindre pour la bonne raison qu’ils sont absents. Infini où nous pataugeons donc avec une difficulté croissante, exaspérante, et qui en même temps se refuse à nous, nous amenant, déjà à bout de forces, dans un réflexe de panique qui s’épuise en un sursaut tragi-comique, à réclamer vivement cet infini plus circonstantiel que circonstancié et moins que de circonstance : tout plutôt que tout, ou quelque bravade du style. Réclamation inutile, vite ravalée, ou plutôt se transformant en plainte, en gémissement, car formulée en vain dans l’espace compris entre les infinis et qui en a lui-même la qualité, tant l’insuffisance du volume vocal est évident, pour ne pas dire criant, mais pas au point de dépasser celui d’un murmure vague, d’un souffle succint, d’un ahanement vite étouffé, emporté par un courant d’air vers un nulle part vers lequel nous trébuchons pour avoir oublier que nous en venons pour la bonne raison que nous ne l’avons jamais quitté et que l’on reconnaît sans mal dans cette montagne si souvent évoquée, qu’il nous faut descendre chaque jour, plus bas, de plus en plus bas, encore plus bas, toujours plus bas, chaque bas étant un sommet qu’il s’agit de quitter au plus vite au risque d’y rester tant la raréfaction de l’oxygène et le fait avéré que nous ne manquons pas d’air y rendent tout séjour impossible quelqu’en serait la durée. Somme de sommets que l’on pourrait qualifiés de milieux hostiles mais cela signifierait qu’il en est d’hospitaliers, qui ne sont donc ni l’un ni l’autre mais l’existence, ou l’être-là, et sur la cime desquels nous restons ou plutôt nous nous retrouvons sans cesse, non pour y admirer un panorama se soustrayant à toute compréhension, se déjouant des tentatives contemplatives, mais pour y compter, y décompter, y comparer, y ficher, y classifier, y lister les jours, les semaines, les mois, les années, les transcrivant péniblement en colonnes de chiffres, de nombres nous donnant l’illusion du bon sens. Il a bon dos le sens, où s’accumulent les années, les mois, les semaines, les jours, les heures, les minutes, les secondes, lunis dies, martis dies, mercuri dies, jovis dies, veneris diem, dies saturni, dies solis et rebelote des jours de jour en jour après nuit, en une succession de wagons à l’aise sur les rails auxquels nous nous fions puisqu’ils viennent généralement d’un lieu et dans la plupart des cas mènent quelque part, selon un mouvement codifié, rythmé par les horaires de départ, les horreurs d’arrivée peut-être est-ce le contraire? Inscrits en tout cas, ou plutôt, imprimés en colonnes de chiffres, de nombres combinés à toute une géographie qui nous parle ou non, s’affiche, indique des points fixes que nous pouvons ou non atteindre, nombres et noms propres sur eux, convaincus, convaiquant, du bon sens donc, ou, pour donner dans la métaphore : une floraison de bon sens, arbre dont les branches semblables à un réseau routier, fluvial ou social, se raméfient dans le temps et l’espace, dans un infini de circonstance (encore faudra-t-il déterminer avec exactitude tout en sachant éviter le piège d’un géométrie portée à outrance, le cadre séparant la situation – la notre – d’une quantité de situations ayant eu lieu, ayant lieu, qui auront lieu, pourront avoir lieu, auraient eu lieu, et comprises dans l’ensemble plus général appelé monde, volontaire, doué de représentation, et lui donner le statut de Situation, La Situation, et au-delà, chercher à savoir si cet infini de circonstance l’est à part entière ou seulement dans certain cas précis, s‘il a été conçu selon des paramètres infaillibles ou bien agencé, bricolé avec les moyens du bord, ce qui n’est pas un mal en soi, ou à la bonne franquette, ce qui l’est déjà plus, et n’ayant de ce fait aucun rapport direct donc aucune influence, aucune conséquence sur La Situation, ne pourrait s’y adapter, s’avèrerait même tout à fait incompatible. Aussi sera-t-il nécessaire, une fois de plus, de poser la question : qu’est-ce qu’un infini de circonstance? Et s’il n’est pas, que serait un infini de circonstance en général, et que serait un infini de circonstance dans le cas particulier qui nous occupe, nous préoccupe et nous assomme, convenons-en, s’il était. La réponse fait défaut, contentons-nous en. Il s’agirait en tout cas d’un infini, ni meilleur ni pire que d’autres, que nous inventerions alors qu’aux prises avec le temps nous nous dissolverions dans l’ornière du présent.