Entendue sur les ondes la chanson l’avait intrigué, par l’inattendu de son thème. Elle s’adressait, fabulait René, à Peggy, la fameuse truie du Muppet Show, inoubliable dans les Cochons de l’espace. Que la Peggy chantée par Buddy Holly sue n’avait rien d’étonnant en soi ; l‘emploi du verbe suer en français plutôt que de s’en tenir au sweat anglais s’avérait par contre assez remarquable. S’il considérait volontiers le rock’n roll comme un raz-de-marée culturel, René limitait le nombre d’auditeurs versés dans la langue de Molière et par là aptes à apprécier le subtile écart linguistique.
Mireille avait beau lui répéter que la chanson s’adressait à une certaine Miss Gerron, petite amie de Buddy, René n’en démordait pas : Peggy la cochonne suait et le reste n’était que blabla. Mireille lui montra le texte, qu’il parcourut rapidement sans n’y rien comprendre ou presque. Il releva seulement une chose : Peggy la cochonne suait, noir sur blanc, et le reste n’était que fioriture destinée à dissimuler les raisons de cette sudation. L’argument selon lequel Buddy Holly chantait sou au lieu de sue s’expliquait par un défaut de prononciation, typiquement anglo-saxon. Peggy la cochonne suait, pauvre ignare qui le déniait. Mireille trouva qu’il n’était lui-même qu’un sale cochon, et à la première occasion elle lui offrit cette figurine, pour immortaliser ta bêtise, ricana-t-elle, sans se douter éveiller par cela en René une série de cataclymes érotiques dont l’iconographie, en eut-elle pris connaissance, aurait pu l’inciter, soit à en exiger la mise en pratique dans les plus brefs délais, soit à le quitter sur le champ.