Ainsi René et Camille avaient-il
pris l’avion, survolé les Alpes, la Méditéranée,
le Sahara, pour attérir sur cette terre d’Afrique, qu’il
avait, lui, si souvent foulé en rêve et continuait de rêver
en la foulant, conscient, en ajustant ces bandes de poignets imbibées
d’une mixture destinée à repousser l’anophèle,
que ses pas ne suivraient pas ceux des grands explorateurs, pas plus
qu’ils ne le feraient lorsqu’il s’avisa de retirer
ces bandes nauséabondes, qui, décidément, le faisait
trop ressembler à un joueur de tennis d’autant plus ridicule
qu’il n’avait dans son bagage la moindre raquette dont il
eut pu se servir pour smatcher les moustiques un peu trop curieux de
son sang et qui seraient d’ailleurs parvenus à se glisser
entre les cordes comme ils se plaisaient à le faire entre les
mailles déchirées de sa mousticaire, ce qui était
en terme d’aventure assez léger, mais là où
ses pas avaient échoué son sang peut-être connaîtrait-il
quelque succès, transporterait les plasmodium falciparum là
où le parasite s’en donnerait à coeur joie, en serait
le complice, et si René ne baptiserait aucune montagne ni aucun
fleuve inconnus d’un nom ronflant comme le firent parfois les
grands explorateurs, au moins partagerait-il leur fièvre, leurs
vomissements, le chamboulement
des organes, ce qui, d’une certaine manière, le rapprocherait
aussi, pensait-il naïvement, des autochtones. Mais, demanda-t-il
à Mireille, ne fallait-il pas, justement, faire preuve d‘une
certaine naïveté pour devenir un grand explorateur? Elle
ne répondit pas, trouvant la question oiseuse. Et ces histoires
de terres inconnues la faisait bien rire: les indigènes ne connaissaient-ils
donc pas l’endroit où ils vivaient depuis tant de générations?
En fait de naïveté, il s’agissait plutôt d’ignorance,
trouvait-elle, sans approfondir, l'important après tout était
d'être là maintenant, pour pouvoir plus tard raconter
qu'on y avait été sans oublier d'indiquer là où
l'on irait, et qui sera forcément beaucoup mieux. |