Cela avait d’abord
été une recette punaisée pour en faciliter la lecture
lors de sa préparation puis oubliée, bientôt recouverte
par le prospectus d’une pizzeria livrant à domicile puis
d’autres dépliants vantant des mets de plus en plus exotiques,
accompagnés de cartes postales disant les lieux où des amis
auront été, de cartes postales rappelant ceux où
l’on passa soi-même, de cartes de visite, d’invitations
où l’on aurait dû, pu mais avait négligé
de se rendre, de photos, de notices griffonnées en téléphonant,
une prolifération de papier ou carton, patiemment décolorés,
auréolés, gondolés, décolés par la
vapeur d’une bouilloire électrique, de la coquetière
ou du fait-tout, et dont les paysages, les personnages et inscriptions
disparaisaient aux yeux de Camille qui aimait à papoter assise
à la table, gribouillant adresses, horaires, opérations,
larves de pensées, formes géométriques improbables,
motifs floraux, visages impossibles, monstres, ornements gagnant en complexité
au fur et à mesure que se prolongeait l’entretien avec Mireille,
René ou même Lucien. Mêlant à l’oublié
ce qui était à plus ou moins long terme promis à
l’oubli. |